Je vous poste ici un court texte de Montaigne (Essais, livre III, chapitre IX) à propos d'un état de conscience proche de la mort, que j'ai trouvé beau - et Diderot aussi apparemment (ça fait toujours plaisir) : "Cela n'est pas trop religieux, mais cela est beau." (in Oeuvres).
Comme c'est en ancien français, la seconde version donne quelques indications et traductions de termes (mais à ne pas trop prendre au sérieux à mon avis).
Il m'advient souvant d'imaginer avec quelque plaisir les dangiers mortels et les attendre : je me plonge la teste baisée stupidement dans la mort, sans la considérer et recognoistre, comme dans une profondeur muette et obscure qui m'engloutit d'un saut et accable en un instant d'un puissant sommeil plein d'insipidité et indolence. Et en ces morts courtes et violentes, la conséquence que j'en prevoy me donne plus de consolation que l'effait de trouble. Il disent, comme la vie n'est pas la meilleure pour estre longue, que la mort est la meilleure pour n'estre pas longue. Je ne m'estrange pas tant de l'estre mort comme j'entre en confidence avec le mourir. Je m'enveloppe et me tapis en cet orage, qui me doibt aveugler et ravir de furie, d'une charge prompte et insensible.
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Il m'advient souvant d'imaginer avec quelque plaisir les dangiers mortels et les attendre : je me plonge la teste baisée stupidement dans la mort, sans la considérer et recognoistre, comme dans une profondeur muette et obscure qui m'engloutit d'un saut et accable en un instant d'un puissant sommeil plein d'insipidité et indolence [insensibilité ; un sommeil sans goût (sans sentiment) et sans souffrance ; NDLT]. Et en ces morts courtes et violentes, la conséquence que j'en prevoy me donne plus de consolation que l'effait de trouble [que la réalité ne me donne de trouble ; NDLT]. Il disent [on dit ; NDLT], comme la vie n'est pas la meilleure pour estre longue, que la mort est la meilleure pour n'estre pas longue. Je ne m'estrange [m'éloigne ; NDLT] pas tant de l'estre mort comme j'entre en confidence [confiance ; NDLT] avec le mourir [l'effet de cette manoeuvre est moins de m'éloigner, de me donner de la répulsion pour l'état de celui qui est mort que de me familiariser avec le fait de mourir ; NDLT]. Je m'enveloppe et me tapis en cet orage [les dangers mortels au mileu desquels il vit ; NDLT], qui me doibt aveugler et ravir de furie [et m'emporter dans un mouvement furieux ; NDLT], d'une charge prompte et insensible.